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Oser l'héroïsme
Nous sommes appelés quotidiennement à l'héroïsme. Il vient d’un regard de foi sur ce que nous sommes et ce que nous enfantons. Nous constatons que nous n’en sommes pas à l’origine. Que le Père Créateur nous a tout donné. Nous sommes père et mère de nos enfantements terrestres mais avant tout enfants voulus ici-bas par le Père du Ciel et de la terre et appelés à la rejoindre pour l’éternité.
« En ces jours-là, sept frères avaient été arrêtés avec leur mère. À coups de fouet et de nerf de bœuf, le roi Antiocos voulut les contraindre à manger du porc, viande interdite. Leur mère fut particulièrement admirable et digne d’une illustre mémoire : voyant mourir ses sept fils dans l’espace d’un seul jour, elle le supporta vaillamment parce qu’elle avait mis son espérance dans le Seigneur. Elle exhortait chacun d’eux dans la langue de ses pères ; cette femme héroïque leur parlait avec un courage viril : « Je suis incapable de dire comment vous vous êtes formés dans mes entrailles. Ce n’est pas moi qui vous ai donné l’esprit et la vie, qui ai organisé les éléments dont chacun de vous est composé. C’est le Créateur du monde qui façonne l’enfant à l’origine, qui préside à l’origine de toute chose. Et c’est lui qui, dans sa miséricorde, vous rendra l’esprit et la vie, parce que, pour l’amour de ses lois, vous méprisez maintenant votre propre existence. » Antiocos s’imagina qu’on le méprisait, et soupçonna que ce discours contenait des insultes. Il se mit à exhorter le plus jeune, le dernier survivant. Bien plus, il lui promettait avec serment de le rendre à la fois riche et très heureux s’il abandonnait les usages de ses pères : il en ferait son ami et lui confierait des fonctions publiques. Comme le jeune homme n’écoutait pas, le roi appela la mère, et il l’exhortait à conseiller l’adolescent pour le sauver. Au bout de ces longues exhortations, elle consentit à persuader son fils. Elle se pencha vers lui, et lui parla dans la langue de ses pères, trompant ainsi le cruel tyran : « Mon fils, aie pitié de moi : je t’ai porté neuf mois dans mon sein, je t’ai allaité pendant trois ans, je t’ai nourri et élevé jusqu’à l’âge où tu es parvenu, j’ai pris soin de toi. Je t’en conjure, mon enfant, regarde le ciel et la terre avec tout ce qu’ils contiennent : sache que Dieu a fait tout cela de rien, et que la race des hommes est née de la même manière. Ne crains pas ce bourreau, montre-toi digne de tes frères et accepte la mort, afin que je te retrouve avec eux au jour de la miséricorde. » Lorsqu’elle eut fini de parler, le jeune homme déclara : « Qu’attendez-vous ? Je n’obéis pas à l’ordre du roi, mais j’écoute l’ordre de la Loi donnée à nos pères par Moïse. Et toi qui as inventé toutes sortes de mauvais traitements contre les Hébreux, tu n’échapperas pas à la main de Dieu. » (2 M 7, 1.20-31)
La Bible relate parfois des scènes en apparence banales mais dans lesquelles se jouent ce qui fait notre dignité de baptisés. Il est bon de s’identifier à ces situations en prenant le temps de la méditation ou de l’oraison pour leur lecture. Mettons-nous à la place de ses enfants, du roi Antiocos et de la mère pour laisser Dieu nous parler et nous éclairer sur certaines situations de notre vie.
Ce texte nous invite à la résistance jusqu’à l’héroïsme comme les 7 frères, face à des injonctions extérieures semblant anodines pour le monde mais violant des principes sacrés de notre foi. Quelles sont les « viandes interdites » auxquelles il nous faut renoncer au risque d’être dissous dans le monde ? Des décisions absurdes destructrices d’un bien-commun au travail ? La flatterie démesurée de l’ego de clients pour obtenir un marché ? Cautionner un mensonge qui éviter de regarder la réalité en face ? La Parole de Dieu laisse notre conscience discerner les ordres qui en violent la dignité. Elle nous invite à envisager de tout perdre s’il le fallait, comme ces 7 enfants pourtant tous frères.
Mais nous pouvons aussi subrepticement devenir des « petits » rois Antiocos. Docile à l’esprit du monde, à sa soif de réussite, de consommation, d’accumulation, nous voulons rendre les autres « riches et heureux » sans bien se rendre de la violence de nos décisions que personne n’ose nous reprocher : imposer une charge de travail disproportionnée, des horaires de réunion nuisibles à la vie de famille, un rythme de transformation quasi-impossible à suivre.
C’est la mère des 7 enfants qui résume tragiquement l’héroïsme auquel nous sommes appelés quotidiennement. Il vient d’un regard de foi sur ce que nous sommes et ce que nous enfantons. Comme elle, nous constatons que nous n’en sommes pas à l’origine. Que le Père Créateur nous a tout donné. Et que si nous n’emportons rien de ce monde dans la tombe, alors cultivons dès maintenant le juste détachement par rapport aux biens jusqu’à notre propre vie qu’il faut parfois partiellement ou totalement sacrifier. Nous sommes père et mère de nos enfantements terrestres mais avant tout enfants voulus ici-bas par le Père du Ciel et de la terre et appelés à la rejoindre pour l’éternité.
Cette mère rejoint ainsi le martyr de Thomas More qu’il décrit en s’adressant à Meg sa fille ainée : « Ce m’est une douleur mortelle, bien plus mortelle que ma propre mort (car pour cette dernière, j’en remercie Notre Seigneur, la crainte de l’enfer, l’espoir du ciel et la Passion du Christ l’apaisent chaque jour davantage) que de voir mon bon fils, ton mari, et toi ma bonne fille, et ma bonne épouse, et mes autres enfants et mes innocents amis en grande défaveur et par là en danger de grandes épreuves. Comme je ne puis y porter remède, je ne puis que tout confier à Dieu. »
Saint Thomas More, apprends-nous à nous détacher de nos idoles pour oser la joie du sacrifice offert pour la multitude.
Xavier de Bengy & Matthieu Jourdan
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